INDISPENSABLE   Le documentaire «Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai» sort dans sa version DVD, rehaussé par des suppléments à profusion. Une réalisation de Nina et Denis Robert indispensable pour les fans, plus que nécessaire à celles et ceux qui ont déjà oublié Cavanna. Et il y en a plus que ce que l’on croit!

Jeune, Cavanna pratique la boxe. Un vrai teigneux, pas le genre à baisser la garde, ni à jeter l’éponge. «Il s’était tapé un match avec un gars qui était aussi hargneux que lui. Qu’est-ce qu’ils s’étaient mis!», confie Jean Burgani, un copain d’enfance.

Dans ses dernières années, Cavanna apprend que son prochain adversaire porte le titre de Parkinson. Sa première écriture devient illisible? Il s’en crée une nouvelle à force de volonté! Sans rien lâcher. Têtu de la phrase, le Rital moustachu ! Les lettres, les virgules, les points ont donné tout le sel de sa vie. «J’ai besoin de parler ou je meurs. Ma parole, c’est l’écriture. A la main. Tant que je pourrai écrire une ligne, je serai présent parmi les vivants», lance-t-il dans «Lune de Miel». Publié dans la Blanche de Gallimard. «Le dernier baroud d’un vieux sanglier», compare Jean-Marie Laclavetine, qui a veillé à la sortie de cet ultime ouvrage. «En refermant le manuscrit, on avait l’impression d’avoir fait quelques pas avec un type bien. C’est pas tous les jours!»

Belle revanche

Tu parles que Cavanna se réjouissait d’être dans le même catalogue que Céline ou Marcel Aymé! Une belle revanche sur Albin Michel, son ex éditeur qui ne voulait plus de lui. Trop ringard. Dépassé. Plus assez vendeur, le Cavanna. Du mépris. Comme d’ailleurs dans le Charlie Hebdo nouvelle version, celui dirigé par Philippe Val. «On était les deux emmerdeurs dont il rêvait de se débarrasser», souligne le dessinateur Siné. «Une vieille potiche qu’on mettait sur le haut de la cheminée », appuie son amie Sylvie Caster. Voilà Cavanna oublié volontaire… ou pas.

L’écriture, ça n’est jamais décevant.

C’est ce que constate Denis Robert lorsqu’il se trouve face à trente étudiants en journalisme vers 2008. Qui connaît Cavanna? Seuls cinq bras se lèvent! Putain, Cavanna, quoi ?! Ce gars qui a été l’étincelle de la seule et vraie presse libre dans l’après guerre. Le mec qui, comme Dard et Desproges, s’est injecté dans l’ADN de tes vertes années et qui t’offre un cadeau dantesque. Celui d’apprendre à aimer les mots. «Ecrire, ça prend complètement. Ce qui compte, c’est pas le sujet, ce sont les idées. L’écriture, ça n’est jamais décevant. On finit toujours pas choper le Tagada, Tagada…», assure Cavanna qui se considère plus comme un polygraphe qu’un écrivain.

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Capter l’essence

Le documentaire «Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai» s’impose comme un épicurien devoir de mémoire envers la nouvelle génération. Denis et Nina Robert captent l’essence d’un homme qui carbure à l’humain. Apolitique, soucieux de toujours faire fonctionner «les boyaux de la tête», écorché au point de vouloir se pendre, Cavanna y apparaît sous toutes ses facettes.

Restent les yeux. Aussi intenses que son vécu.

Ses indignations reprennent force dans les nombreux témoignages et des archives judicieusement glissées. Les bonus du DVD donnent accès aux versions intégrales des interviews pour le plus grand bonheur des fans. Forte émotion de renouer connaissance avec notre François. La voix s’est muée en un filet qui s’échappe de ses lèvres. Restent les yeux. Aussi intenses que son vécu. La réalisation de Nina et Denis Robert se dispense de tout effet technique facile. Elle se concentre sur l’essentiel. Efficace. Comme une phrase de Cavanna.

Joël Cerutti

« Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai », un film de Nina et Denis Robert (2014), blaq out, Le Bureau, Citizen Film – 2 DVD.

Photo Arnaud Baumann

Interview Nina et Denis Robert, France 24

Sur Denis Robert dans PJI:

http://www.pjinvestigation.ch/?p=5463

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