VOIX AUX CHAPITRES  Marie Musy, de la Librairie du Midi, investit Facebook de petits mots pertinents. Elle nous a autorisé à les réunir. Voici ceux de janvier 2015. PJ Investigations ouvre une libre chronique aux librairies indépendantes car on les adore. On aurait comme des communautés d’esprit, des forts liens de sympathie. Depuis quelques semaines, on les contacte. On leur demande des chroniques. Pour changer du classement des meilleures ventes publié autre part. 

2 janvier

Tiens, hier j’ai écouté l’allocution de Simonetta Sommaruga. Elle a dit qu’elle continuerait, en 2015, à faire son marché sur la Place Fédérale, à Berne. Elle a dit que c’était un endroit très chouette, avec plein de produits différents, locaux ou exotiques. Elle a dit, surtout, qu’elle aimait y aller parce qu’elle y rencontrait des gens d’ici et d’ailleurs, venus, accueillis ici. Elle a dit que la proximité c’était bien, qu’elle aimait serrer des mains et claquer des bises. Elle a dit que l’esprit d’ouverture c’était important, et que ça commençait en sortant de chez soi. Socialiste, pianiste, mariée à un écrivain, Simonetta avoue avec malice un petit penchant pour la bière. Elle me plaît tellement que je l’appelle déjà par son prénom, la nouvelle Présidente de la Confédération.

3 janvier

Il y a deux mois, mon libraire et moi on s’est dit qu’on allait fonctionner un peu différemment. Retrouver plus d’indépendance, et de liberté dans notre manière d’acheter, ne plus crouler sous les cartons de nouveautés gérés uniquement par des financiers, remettre en avant des titres plus anciens, avoir quelques livres de coloriages anti-stress mais pas un mur de Berlin, et quelques coffrets de cuisine, mais pas la grande muraille de Chine.

Le prix de la liberté je veux bien le payer, mais le plus important dans tout ça c’est la pérennité.

Je savais bien que décembre serait un test – voire un petit risque – le prix de la liberté je veux bien le payer, mais le plus important dans tout ça c’est la pérennité. L’année 2014 de la librairie a été très bonne, décembre a été exceptionnel, et les quatre jours avant Noël ont tout explosé. Evidemment, on pourra me dire qu’il n’y a pas d’autre librairie à moins de 20 km et que, de fait, nos clients achètent ce qu’ils trouvent chez nous. On pourra me dire aussi que ceux qui ont fait des murs et des pyramides de coffrets ont fait plus d’argent que nous. Je m’en fous. Et c’est avec le cœur léger que j’irai, la semaine prochaine, m’acheter une nouvelle – et toute légère – pelle à neige.

4 janvier

Ouaif, je pense que je ne lirai pas le Houellebecq. Parce que je préfère rester sur des bons souvenirs, parce que je pense qu’il n’a pas besoin des libraires pour se vendre, mais surtout parce que je suis persuadée qu’il y a beaucoup d’autres romans auxquels j’ai envie de donner du temps, vraiment.

6 janvier

is pretty contente de la future extension in English de son rayon Nature Writing, on the way to the aperew to celebrate that.

7 janvier

range des livres, serre entre ses mains ces rectangles de liberté en papier, parler d’autre chose, c’est compliqué, penser à autre chose c’est très difficile, sentir autre chose qu’un vent glacial dans le dos, on ne peut pas.

7 janvier

Je suis Triste

8 janvier

Nous sommes la Librairie du Midi, nous vendons des livres, des rectangles de liberté en papier, notre rayon « Religions » s’écrit au pluriel, nous défendrons toujours, la liberté, d’écrire, de lire, de publier, de s’exprimer, de dessiner ; alors nous sommes sûrement aussi, à notre modeste échelle, Charlie.

8 janvier

Librairie HumuS, Lausanne

Allez faire un tour chez HumuS, vous verrez qu’ils ont, depuis fort longtemps, un immense rayon Humour et vous verrez aussi que ces livres en vitrine ne sont pas à vendre, il s’agit de la collection privée de Michel Froidevaux, éditeur, propriétaire des lieux, et ami de Charlie Hebdo. Son hommage, à mes yeux, n’a pas de prix.

9 janvier

Mes potes de Paris, je pense à vous, Vincennes c’est l’endroit où j’ai passé les plus belles, riches, émouvantes, hilarantes, heures de 2014, mes potes de Paris, je me réjouis, d’y revenir, de rire, putain comme j’ai hâte de vous revoir et de vous serrer dans mes bras.

9 janvier

Et à part ça, si on pouvait foutre la paix à ceux qui sont Charlie, à ceux qui suivent Charlie, si on pouvait foutre la paix à ceux qui ne le sont pas, et ne le suivent pas non plus, si on pouvait foutre la paix à ceux qui rigolent, ainsi qu’à ceux qui n’en sont pas – dans l’immédiat – capables, ce serait vachement bien, bordel.

9 janvier

Donc, t’es Charlie t’es un mouton, t’es pas Charlie t’es un mouton aussi. C’est cool, on est une chiée à pouvoir se raser et à se faire des pulls gratos.

11 janvier

J’irai marcher. J’irai marcher parce que petite j’étais sur les épaules de mon père, quand il marchait, j’irai marcher parce que je veux voir des amis, et si il y a des cons tant pis, ça fera plaisir à Wolinski, j’irai marcher parce que j’en ai envie, j’irai marcher parce que je suis libraire, j’irai marcher à Lausanne parce que si j’étais à Paris j’irais marcher avec eux aussi, j’irai marcher parce qu’il neigera et que j’aime sentir les flocons tomber sur moi, j’irai marcher parce que parfois je vais à un enterrement sans connaître le mort personnellement, j’y vais pour ceux qui restent, j’irai marcher parce que souvent mon libraire m’offre des cadeaux et que le papier d’emballage s’appelle Charlie Hebdo, j’irai marcher parce qu’on a suffisamment mal au cœur, pour éviter d’avoir en plus mal au cul, en restant assis.

11 janvier

Charlie ou pas je n’ai entendu personne citer Florent Pagny. Là je crois qu’on tient le début d’un bout de quelque chose de bien.

12 janvier

a fait sourire son libraire

13 janvier

Il y a quelques années un homme a poussé la porte de la librairie, il a ouvert des grands yeux, écarquillés autant que déçus, et il m’a dit. Mais ?!?!??? Ce n’est plus la quincaillerie ???? Euh ben non, j’ai dit, c’est une librairie. Sa question suivante résonne assez particulièrement en moi, ces temps-ci. Ah et ça sert à quoi, une librairie ? A tout, à rien, ça dépend, j’ai répondu. Il est reparti, sans rien bien sûr, si ce n’est sa déception, et un léger énervement, parce que les livres ne remplacent pas les clous, ni les tondeuses à gazon, alors il s’est sûrement dit, merde, va falloir que je descende en ville. Cette histoire résonne parce que j’entends beaucoup de gens dire, ça sert à quoi, ce(s) rassemblement(s) ?

Il n’en restera – peut-être – qu’un souvenir, mais un souvenir c’est important, ça existe.

Et là aussi j’ai envie de répondre, à tout, à rien, ça dépend. Mais j’ai surtout envie de dire, putain, faites-vous un peu confiance les uns les autres, arrêtez de vous, nous, prendre pour des cons au cerveau lavé. Il n’en restera – peut-être – qu’un souvenir, mais un souvenir c’est important, ça existe. C’est quelque chose. Parce qu’avec un souvenir on n’oublie pas, jamais.

15 janvier

Dans le genre pensez ce que vous voulez, mais moi je continue à voir que les gens sont plus souvent drôlement chouettes que sombrement cons, hier un client voulait acheter le dernier Boyden. Il a dit à mon libraire ah vous semblez enthousiaste hein, mon libraire a répondu oui bien sûr, et il a expliqué, pendant quelques minutes les raisons de son enthousiasme.

En tant que commerçante je suis archi nulle, parce qu’en anglais il est deux fois moins cher !

Pendant ce temps, j’étais juste à côté, avec une représentante, en train de refuser d’acheter des livres de…. peintures acryliques anti-stress, si si. Alors j’ai dit au client, si ça vous intéresse, ce roman on l’a aussi en anglais. Et en riant je lui ai dit, en tant que commerçante je suis archi nulle, parce qu’en anglais il est deux fois moins cher ! Le client a ri, lui aussi, m’a dit, c’est génial de le trouver en anglais, c’est pour un cadeau, je sais que la personne appréciera de le lire en langue originale et puis tiens, vu qu’il est moins cher en anglais, je ne vais pas lui offrir un livre… mais deux, vous auriez un deuxième conseil ?

15 janvier

milite pour le retour des chats sur Facebook.

16 janvier

attend des tonnes de flocons, en compagnie de Tom Drury et de la plus belle pelle à neige du mooooonde.

18 janvier

Tiens, hier j’étais avec mon neveu, six ans et quatre mois – les quatre mois c’est peut-être un détail pour vous mais pour lui ça veut dire beaucoup – on a parlé, des journalistes, des dessins, des morts et des religions. Il m’a demandé si dans son pays – le Burkina Faso, il y est né – il n’y avait que des musulmans. Je lui ai dit non, il y a aussi des chrétiens, et des animistes. C’est quoi a-ni-miste, il a demandé. Bon, d’abord j’ai pensé lui dire, c’est comme l’orenda dans le roman de Joseph Boyden, et après je me suis dit qu’à six ans et quatre mois il était un peu jeune pour lire Boyden quand même. Alors je lui ai dit, c’est comme si il y avait une âme, un esprit, une force, un truc quoi, un peu partout, dans toutes les choses. Il a répondu qu’il voyait très bien, c’est comme quand une coccinelle se pose sur moi, après elle me fait un clin d’œil et elle s’envole et je suis content pour elle, parce que c’est cool, de savoir voler. Oui, c’est ça.

20 janvier

Quand tu appelles un client pour annoncer que le livre commandé est arrivé, et que tu entends un petit gars hurler « Mamaaaaan ils ont reçu le livre sur les rats on peut aller acheter mon rat maintenant !!!! », euh ben tu n’es pas sûre que la maman elle t’aime vraiment.

21 janvier

Tiens, je voulais vous dire un truc parce que j’ai l’impression que ça n’a pas été – assez en tout cas – dit. Charlie Hebdo c’est aussi une maison d’édition, Les Echappés. Une belle maison, indépendante évidemment, avec beaucoup de très bons livres à son catalogue. Mon préféré « Charlie Hebdo Les Unes 1969-1981 » est absolument génial. Contrairement à d’autres – qui sont en rupture de stock un peu partout – celui-ci est disponible. Si vous en trouvez, achetez des livres aux Echappés, ça leur permettra – aussi – de continuer à exister et vous, vous aurez gagné, à tous les coups, un drôlement chouette bouquin.

21 janvier

partira à la montagne avec Despentes.

22 janvier

Ben quoi ? Je pars une semaine quand même.

22 janvier

Non mais ouais, j’ai hyper hâte d’être au magasin de location de matériel de ski, et d’entendre le gars me dire, alors vous êtes bien dans ces chaussures ? (en général c’est là que tu penses, mec, c’est comme si tu me demandais si elle est bonne, cette glace au foin)

23 janvier

emporte deux ou trois bouquins, et s’en va

31 janvier

La déco de montagne, ce truc qui vous gagne.

Marie Musy