Avec des titres qui meurent à tour de manchettes, le journaliste doit se réinventer en gardant ses précieux acquis. Des exemples ? « Dog Protector », « Psy de bars », « Sylvothérapeute de marronniers » et bien d’autres suggérés (gratuitement) dans cet article. Des solutions aussi cyniques que les agissements des grands groupes de presse…

Comme jadis le typographe, le métier de journaliste ne résiste pas aux (r)évolutions du monde de la presse. Aujourd’hui, une équipe réduite, jeune, habile des claviers suffit à remplir un magazine ou un site internet. Celle ou celui qui perd sa place se met en chasse d’un nouvel emploi. Après quelques centaines de postulations (le plus souvent sans réponses, c’est du vécu !), seule la reconversion devient envisageable… Quelques pistes.

1 – Dog Protector. Nul mieux qu’un journaliste connaît les dangers des chiens écrasés. Il s’agit d’une rubrique qu’il pratiquait de façon initiatique lors de ses débuts dans une rédaction. Ce bizutage reste implanté dans son ADN et vous pouvez lui laisser votre chien pour des promenades sous haute sécurité le cœur empli d’une intense confiance. Le journaliste anticipera les accidents, les errances, les débordements qui pourraient menacer votre trésor canin. Une balade avec lui vous garantit son retour sain et sauf devant la gamelle.

Au bar ou à une table, une séance dans un cadre convivial avec une écoute hors pair.

2 – Psy de bars. Le journaliste de l’ancienne génération pratiquait le bistrot intensivement. En ces lieux alcoolisés, il favorisait l’ivresse de ses interlocuteurs, les décontractait à coups de tournées afin d’obtenir confidences, considérations et informations de nature à nourrir un article. Se réorienter en « Psys de bars » apparaît comme une évidence. La consultation se passe au comptoir de votre stamm préféré. Le journaliste prêtera plusieurs oreilles attentives (à savoir deux) à vos propos libérateurs. Surtout le vendredi où vous en aurez gros sur la patate. Sans jugement, il vous encouragera dans la libération de vos frustrations. Il n’y aura aucune fuite, le code déontologique de sa profession lui interdit formellement de cracher le morceau. Plus en état de conduire ? Il remplace Nez Rouge à la pédale de gaz levée, quitte à perdre son permis à votre place (c’est du vécu (bis) !).

3 – Coach bureautique. Le journaliste de la nouvelle génération ne sort guère hors des bureaux de la rédaction. De longues heures durant, il use le mobilier et le matériel informatique à chercher des nouvelles sur le net susceptibles de déboucher sur quelques téléphones alimentant un article. Avec le temps et l’expérience, il choisit la chaise avec une ergonomie adaptée et qui ménage les lombaires. Il sait instinctivement adopter la bonne position dorsale pour ne pas finir à quatre pattes après 10-12 heures d’écrans. Il customise son ordinateur, notamment au niveau de la souris, pour se préserver des épicondylites. En Coach bureautique, il réalisera des miracles dans vos open spaces.

Ceci est bien un marronnier.

4 – Sylvothérapeute de marronniers. La profession cultive les marronniers à des périodes précises de l’année. C’est vous dire à quel point le reporter sait entrer en communion et en dialogue avec la nature et les arbres. Alors que la sylvothérapie bat son plein, utilisez à son meilleur escient ce savoir quasi séculaire pour initier d’autres adeptes à renouer avec leurs racines grâce aux marronniers. Que les services des parcs et jardins n’hésitent pas à appeler le journaliste car mieux que quiconque il perçoit lorsque l’arbre est rongé par une maladie et que sa sève ne présente plus d’intérêt pour le public.

 5 – Écolos Investigations. Une spécialisation du métier était de fouiller dans les poubelles des particuliers, des grandes entreprises ou des stars. Le journaliste a ainsi développé l’œil qui permet un tri sélectif, un art d’aller immédiatement à l’essentiel, une synthèse qui repère immédiatement les détails qui creusent la différence. Vous cherchez un balaise de l’investigation qui trouve les indices dans les décharges sauvages aptes à remonter vers les contrevenants ? Vous avez votre candidat idéal! Avec diligence, il recoupe les données plusieurs fois avant la moindre lettre avec amende adressée au coupable.

Après l’extase des corps, celle des mots.

 6 – Escort Writer. En plus de la consommation sans modération de liquides conduisant à l’ivresse, on prête aux journalistes des mœurs débauchées qui lui vaudraient une maîtrise exceptionnelle dans la mécanique des fluides. Cette vie dissolue de bâton de chaise cache une sensualité à fleur de peau. Dont vous pourriez profiter à votre corps consentant et frémissant. Après une nuit charnellement intense, l’Escort Writer s’engage à vous en livrer le récit détaillé et sublimé. Il ne s’agirait plus alors d’un simple exercice hygiénique ou du coup sans joie d’un soir mais bien d’un Everest de plaisirs prolongés. Il vous en resterait une preuve écrite propre à raviver les braises.

 7 – Coach de RH. La pratique de l’interview a développé un instinct chez les plus doués dans l’écoute. Ils perçoivent les énergies, les failles, les lignes de force. Ils différencient la sincérité profonde de la construction artificielle. Avec acuité, ils discerneront, lors d’un entretien d’embauche, la candidature idéale à celle d’un frimeur mythomane. Qui plus est, mieux que quiconque, ces coaches de RH remontent les courants des réseaux sociaux pour cerner la personnalité en fonction de ses publications.

Inverser le rapport de forces avec la presse people.

8 – People Fog. En dehors des scoops liés à la promo de leurs œuvres, les peoples souffrent des intrusions répétées dans leurs vies privées. Quoi de mieux qu’un repenti pour envoyer la fumée et mener la vie rude aux autres paparazzis ou plumitifs de la presse people ? Rumeurs infondées, photos truquées, fausses poubelles, pistes ne menant à rien, ce « People Fog » alimente les écrans de fumées et favorise le juste repos de la star. Les procès en diffamation rentabilisent l’engagement d’un tel spécialiste.

Joël Cerutti (journaliste RP depuis 1988)

PS : J’ose espérer que les horreurs désabusées contenues dans cet article ne seront pas prises au premier degré ! Elles répondent au cynisme d’un grand groupe de presse qui, malgré 170 millions de bénéfices, licencie à tour de bras, prétextant des manques de rentabilité sans explorer réellement des solutions alternatives. Il se contretape des détresses humaines et des chocs qu’engendrent ses décisions dictées par un profit sans âme.

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