… ce n’est pas chez elle qu’ils existent. O ciel de mon dieu, TF1 a censuré le film « Django Unchained », mais quel malheur… si prévisible ! Il faudra bien, un jour ou l’autre, que l’on admette que la télévision, sur une chaîne privée ou de service public, est vraiment le dernier endroit où l’on respecte un long-métrage. Et tant mieux !
Je vais te parler d’un film dont tu ne te souviens pas et que j’aime profondément : « La fille sur le pont » (1999) réalisé par Patrice Leconte. Ce fou l’avait tourné en noir et blanc avec ce que cela impliquait comme conséquences. Budgétaires surtout. A l’époque, il avait rencontré des problèmes majeurs au bouclage financier de la chose. Parce que, un machin pas en couleurs, cela ne se programme pas en première partie de soirée.
La qualité des dialogues, du jeu, des prises de vue? Rien à secouer, le noir et blanc, comprends-tu, c’est un tue audimat absolu. Et ne fais pas le faux-cul visuel, tu serais le premier à tripoter ta télécommande, pensant qu’il y a un blème avec la diffusion. Patrice Leconte, face à aux arguments des chaînes, ne se laissa pas démonter. « Pour moi, les gars, vous pouvez coloriser le film lors de sa diffusion chez vous, le tronçonner chaque six minutes avec des écrans publicitaires, je m’en fous ! Ce que je signe, je le prévois pour le cinéma. De votre côté, faites-en ce que vous voulez ! Ce n’est plus mon film…» Je cite de mémoire, hein, sans trahir la pensée de Leconte.
Et il a raison.
Après une exploitation en salles, un film vit plein de vies avant d’échouer sur les rivages d’une chaîne grand public. En gros, trois à quatre mois après sa sortie en salles, il se décline déjà en DVD et VOD sur vos ordis, tablettes ou smartphone. Puis il investit une chaîne payante, codée genre Canal+. Enfin, trois ans plus tard, il termine sur une chaîne accessible aux rétines du Pékin de base. Dès lors, il subit son formatage. Celui qui permet d’enfiler de la pub chaque tant de minutes, celui qui gomme la violence physique ou des dialogues, celui qui met sur la grille des navets à 20 h 50 et des perles à 3 heures du mat.
La télévision, jadis, se gavait de cinoche. A présent, elle le finance par des obligations légales et se venge en le massacrant. Ce qu’a fait TF1 avec « Django Unchained » – passer une version édulcorée – offusque alors qu’il n’y a pas de quoi.
https://youtu.be/eUdM9vrCbow
Il y a des précédents notables avec « Very Bad Trip » ou des séries comme « Les Experts », « Fringe », « Life », « Brothers & Sisters », « Lost », « 24 » ou « Heroes » où l’amputation sur TF1 tient de la monnaie courante. Là, on coupe une scène, on la recadre, on trafique les dialogues, on se tape de la chronologie (pour les séries), on occulte le générique de fin.
Les fans se nourriront des intégrales en DVD, un passage sur le (plus si) petit écran implique l’annulation du moindre respect artistique. Faut-il hurler à la mort ? Enrager, l’écume aux lèvres, devant ce mépris? Ben non ! LES GARS, VOUS ETES SUR TF1! Cyniquement, quand « Django » finit sur une chaîne grand public, pourquoi s’attendre à quelque chose de bon ? Le but n’est plus de faire découvrir une œuvre. L’objectif ? Attirer des annonceurs avec des machins sans trop de nerf ou de saveurs. La télé crache sur le cinéma qui ne lui garantit plus des audiences délirantes. Elle ne lui consacre plus aucune émission digne de ce nom, elle relègue toute forme de critique à de la promotion servile pour la moindre épluchure de navet, elle oublie le moindre risque créatif pour un laminage consensuel. Ces couleuvres avalées, je repars à la racine de cette chronique. TF1 a imposé une version tronquée de « Django Unchained » ? Je m’en fous ! Je l’ai apprécié en salle, en DVD et je me tape de sa diffusion sur une chaîne que je me flatte de boycotter depuis 1987, date de sa privatisation. Cette attitude me semble cohérente avec un vrai amour du cinéma. Tout le reste n’est que garniture intellectuelle. Moi, je dis…
Joël Cerutti