MINIBAR QUI SE BARRE   De partout, on se diversifie pour survivre. Sauf aux CFF. Là, on tient à ce que les passagers soient dans le même état d’esprit que les vaches regardant passer les trains. Dernière initiative en date: la suppression des minibars. FUNI WOR(L)D, quatrième chronique du nom.

Quand tu rentres dans une Poste, aujourd’hui, tu te demandes si tu te trouves au bon endroit. On y vend du chocolat, des DVD, des livres, des vignettes, du matériel de bureau, des téléphones intelligents et autres tablettes. Accessoirement, on semble envoyer des lettres ou des paquets. Si tu insistes. La rentabilité oblige les buralistes à devenir des épiciers. Dans certains cas, c’est parfois l’inverse. Pas le choix.

Un distributeur de saloperies alimentaires à côté des toilettes évitera d’employer des humains qui ruinent les patrons.

Quand tu entres dans un train, tu sais que tu es dans un train. Il n’y a rien d’autre. Avant, dans des temps immémoriaux, un petit chariot traversait les voitures. Les gars te proposaient quelques boissons, du café, des tartes, du chocolat, des croissants sandwiches. Dans les lignes pour Campagnards Romands (lire billet du 10 février), le minibar a disparu depuis des siècles. Et, on l’a appris depuis peu, les chariots n’existeront plus non plus chez les Nantis Au-Delà du Mur de Röstis (et hop, 300 postes à la trappe!). Bon, il subsiste quelques wagons restaurants. Gageons que, sous prétexte d’un chiffre d’affaire décroissant, les CFF s’en débarrasseront dès que possible. Ils ont beau jurer qu’ils vont augmenter leur nombre – histoire de calmer les syndicats – on verra si la promesse tient dans la conjoncture toujours si désastreuse. Un distributeur de saloperies alimentaires à côté des toilettes évitera d’employer ces humains qui ruinent les patrons. Parions que cette idée doit germer dans l’esprit putride d’un manager pas sec derrière les lobes.

Depuis le wagon, l’usager regarde la vache qui est dans le pré, ainsi naît son bonheur.

Dans le train, nul besoin de se perdre dans les futilités. Au dehors, la vache regarde passer l’INTERREGIO ou le REGIO avec la sérénité que lui apportent les lentes digestions de ses quatre estomacs. Depuis le wagon, l’usager observe la vache qui est dans le pré, ainsi naît son bonheur. Quoi de mieux qu’un compartiment zen? En dehors des heures de pointe, les rétines du voyageur se gavent de paysages. Son cerveau se repaît de plats, de collines, de banlieues. Le néant imbibe le cortex cingulaire antérieur et le thalamus, l’hypnose agit. L’offre « abyssalement » vide des CFF conditionne l’apaisement. Méditons, prions, profitons de ces uniques instants creux qui dégorgent l’agenda.

En ces temps de disette, le transport si commun doit le rester, commun.

On ne va pas commencer à transformer les trains suisses en lieu de vie… Cela ne va pas le bocal ?! Pourquoi vouloir y mettre des wagons avec des bibliothèques et des kiosques ? Ou imaginer, sur des longs trajets, des projections qui sortiraient le nez des iPhones, des iPad ? Nul besoin d’y organiser des cafés philos sur rail. Ne songeons même pas à des speed dating de toutes sortes! En une heure, deux heures, trois heures, pourquoi enrichir ces opportunités ? Oubliez d’inventer une application qui permettrait d’avoir des explications sur le paysage qui défile. Cela casserait le syndrome Waterloo, celui des mornes plaines du cortex…

NON.

En ces temps de disette, le transport si commun doit le rester, commun. A fond. En plus, des fois qu’un décideur se mette à lire cette chronique, cela lui serait préjudiciable. Il émettrait des suggestions qui nuiraient à l’apathie ambiante. Investir en temps de récession ? Viré ! Je ne veux pas avoir un chômeur sur la conscience. Restons amorphes, baillons aux arrêts de gare, demeurons bien Suisses. Moi, je dis…

Joël Cerutti

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