CREUX HORAIRES   Dans les transports en commun, les correspondances ne sont pas toujours en correspondance. Entre le rail, les roues, la crémaillère ou les coques, les horaires dialoguent comme des autistes. Chacun s’est enfermé dans son monde. Et les passagers galopent ou poireautent.

C’est du vrai, du brut, de l’authentique et du récent ! Cela date d’hier matin, dans le funiculaire. Un monsieur allemand (accent prononcé) et sourd (voix très très forte) repère un ancien responsable du SMC parmi les voyageurs. Il l’apostrophe : «J’ESPERE QUE LE FUNI NE S’ARRETERA PAS TROP SOUVENT SINON JE VAIS RATER LE BUS DE 9 H 45 QUI MONTE DANS LE VAL D’ANNIVIERS!» Mes gros caractères donnent un petit aperçu des décibels. L’ex directeur s’en amuse et lui répond avec une bonhommie matoise : «Ah, quand on voyage, il faut savoir prendre ses responsabilités…» Quelques minutes de pause. Au Contre-Arrêt, où justement le funi stoppe sa course une énième fois, Monsieur Deutsch Sonotone remonte aux barricades. «LE FUNI, IL NE FAUT PAS QU’Il CHANGE?! MAIS LES AUTRES, ILS POURRAIENT QUAND MEME FAIRE UN EFFORT. CELA LUI DEMANDE QUOI, AU CHAUFFEUR DE BUS QUI VA DANS LE VAL D’ANNIVIERS, DE PARTIR PLUS TARD ? JE LE LUI AI DIT, IL M’A REPONDU QUE LUI IL DEVAIT ROULER A LA MINUTE PRES INDIQUEE SUR L’HORAIRE…» Avec un nouveau sourire, le cadre à la retraite relance : «Oui, oui, il faut tout changer, faire la révolution…» Pas certain que l’Allemand l’ait entendu car il avait démarré comme un guépard sous stéroïdes (la bestiole se paie des pointes à 110 km/h). Son Val d’Anniviers pouvait se choper dans les 240 secondes

Parce que le bus, le funi voire un autre train vivent leurs vies horaires indépendamment les uns des autres.

C’est souvent le lot de l’usager, courir comme des  Paratarsotomus macropalpis (l’animal acarien le plus rapide au monde…). Plus son train collectionne les minutes de retard, plus il sait qu’il entame un sprint à la sortie de son wagon. Pourquoi ? Parce que le bus, le funi voire un autre train vivent leurs vies horaires indépendamment les uns des autres. Rédigé de façon plus concrète encore : ILS SE FICHENT DE T’ATTENDRE. En journée, même furieux devant le cul d’un véhicule qui s’éloigne, tu te «consoles». Dans quelques minutes ou une heure, tu prendras le suivant. Ce scénario (un peu fleur bleue pour celles et ceux qui pratiquent les transports en commun), tu le passes au destructeur de document quand la DERNIERE CORRESPONDANCE se barre devant ton nez. A 19 heures – moyenne – ou plus tard (vers 21 heures) – te voilà planté en pleine gare, seul, avec ta dantesque frustration. Et tu fais quoi ? Tu appelles quelqu’un qui se tape des kilomètres pour venir te chercher ? Tu entames une marche de 30 minutes ? Tu raques pour un taxi ? Examine bien ces variantes, elles découlent d’expériences plus que vécues !

Coincé entre deux feux, le passager court comme un dératé ou se retrouve en plan.

Entre toi et moi, à quelle époque vivons-nous ? Un univers truffé d’antennes qui relient les êtres, les rend atteignables 24 heures sur 25 (tout s’accélère !). Pourtant, les différents acteurs des transports en commun ont décidé de se comporter en autistes. Pas un téléphone, un sms, un mail entre eux pour annoncer : «Problème technique, on rame, on se prend 4 minutes de retard, tu pourrais jouer avec ?» Tu remarques la diplomatie avec laquelle cette phrase est rédigée. Elle n’impose rien, elle suggère, elle ouvre le dialogue! J’ai, par exemple, demandé à mes amis qui pilotent les funis pourquoi ils se montraient aussi pointilleux sur l’horaire. «Tu comprends, celui qui est en haut, à Crans-Montana, il se fiche d’attendre pour le gars qui se pointe en retard depuis la gare de Sierre…»

Bref, d’un côté comme de l’autre, les zones d’intersection n’existent pas, chacun garde ses rythmes, conserve ses œillères. Coincé entre deux feux, le passager court comme un dératé ou se retrouve en plan. S’y ajoute la fameuse loi de Murphy ou la théorie des dominos. Un truc foire à un moment, le reste ne suit plus. Alors oui, comme le suggère l’ex énarque du funi, on devrait faire la révolution, tout changer. Moi, je dis…

Joël Cerutti

Une réponse

  1. Hier j’ai eu un exemple simple, je suis allé à la Chaux de Fonds pour l’aller il y avait 10 minutes entre chaque correspondance et au retour au maximum quatre minutes. Un moindre retard de deux minutes m’aurait retardé mon retour d’une heure. Heureusement que je n’ai pas pris la dernière correspondance, car là j’aurais dû prendre un hôtel à Neuchâtel où à Lausanne.

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